Une trop grande concentration de nitrate dans l’eau mène à des problèmes écologiques, économiques, mais aussi de santé publique. La PAC et le manque de contrôle n’ont jusqu’ici pas réussi à résoudre le problème.
Depuis 1991, la directive sur les nitrates vise à protéger les eaux souterraines et les eaux de surface de l’Union européenne (UE) contre la pollution agricole par l’azote. Cette directive avait un bon bilan initial. De 2004 à 2007, les concentrations de nitrate dans 70 % des sites de surveillance des eaux de surface sont restées stables ou ont diminué. La qualité des eaux souterraines s’est maintenue ou s’est améliorée dans les deux tiers des sites de surveillance. En dépit de ce bon bilan initial, dans de nombreuses régions d’Europe, les eaux souterraines restent fortement imprégnée de nitrate. Entre 2012 et 2015, 13,2 % des sites de surveillance ont dépassé la limite de 50 mg par litre d’eau potable. Les taux de nitrate sont particulièrement élevés dans les grands pays de l’UE, l’Allemagne et l’Espagne, mais aussi dans le petit État insulaire de Malte. Le dépassement de la valeur limite provoque des dommages écologiques, économiques et sanitaires.
De nombreuses raisons expliquent ces valeurs de mesure élevées. Par exemple, au sein de certains élevages intensifs, le nombre important d’animaux fait que le purin est produit en trop grande quantité pour pouvoir être absorbé par les plantes ou le sol environnant. Du côté de la production végétale, certaines plantes sont fréquemment fertilisées peu de temps avant la récolte, bien qu’elles ne puissent plus assimiler pleinement l’azote. En Bulgarie, qui n’est membre de l’UE que depuis 2007, la consommation d’azote a doublé en l’espace de dix ans.
En tant que nitrate, l’azote non utilisé par les plantes pollue les eaux souterraines et peut conduire à une surfertilisation des eaux de surface : cours d’eau et lacs. Les restes de nourriture et les excréments d’aquacultures marines peuvent aussi y contribuer. Cette surfertilisation est l’un des défis majeurs de la conservation marine. Cela s’applique à la quasi-totalité de la mer Baltique, à la mer des Wadden, à la mer du Nord, ainsi qu’en Méditerranée, naturellement pauvre en nutriments. Celle-ci est également surchargée en de nombreux endroits par les apports de nutriments. Les zones côtières de la Méditerranée septentrionale et de l’Adriatique sont particulièrement touchées. La surfertilisation déclenche une croissance accrue des plantes d’eau, ce qui entraîne une prolifération d’algues et une carence en oxygène, modifiant l’habitat de nombreuses espèces. Ils ne peuvent plus exister dans ces conditions, tandis que certaines espèces plus robustes sont aujourd’hui sujettes à la reproduction massive.
L’UE dispose cependant d’un certain nombre d’instruments pour réduire la surfertilisation, tels que la directive-cadre sur l’eau et la directive-cadre sur la stratégie pour le milieu marin. Mais leur potentiel n’est pas pleinement exploité, et ils ne sont pas liés à la politique agricole de l’UE, qui est bien financée et donc efficace. Tandis que certains États membres de l’UE font peu pour résoudre le problème des nitrates, d’autres donnent l’exemple. Au Danemark, une législation plus stricte en matière d’engrais, avec des obligations détaillées en matière de documentation et d’application, a été efficace. En Belgique, au Danemark et aux Pays-Bas, la loi exige une application des intrants de synthèse plus respectueuse de l’environnement. Aux Pays-Bas, dans certaines régions, seule une quantité bien déterminée d’engrais par hectare peut être épandue.
Toutefois, ces règles nationales ne peuvent fonctionner que si la protection de l’eau est coordonnée avec la PAC, de sorte que les incitations se stimulent mutuellement et que les incitations contradictoires soient évitées. Davantage de contrôles sont ainsi nécessaires. Seul 1 % des bénéficiaires de subventions doit faire l’objet d’un contrôle local en vertu du droit communautaire. Si l’autorité détecte une infraction, les subventions auxquelles le bénéficiaire a droit ne sont réduites que de 5 % au maximum, ce qui n’est pas très dissuasif. En tout état de cause, l’allocation de subventions de la PAC n’est pas liée au rejet d’azote.
La future PAC doit promouvoir un élevage plus respectueux de l’environnement et des animaux, ce qui aura des effets positifs sur la qualité de l’eau. Une des clefs pour cela est la diminution des cheptels et leur adéquation aux surfaces disponibles. En effet, il faut limiter le nombre d’animaux en fonction de ce qu’un territoire peut produire pour les nourrir et peut absorber en fumier. L’élevage à l’herbe a un impact sur la ressource en eau bien plus faible que celui reposant sur la consommation de céréales par les animaux. Cela inclut aussi bien l’augmentation du bétail au pâturage que l’expansion de l’élevage de moutons et de chèvres. Enfin, en cas de fraude intentionnelle d’une ferme pour contourner les règlements de l’UE en matière de conservation des sols et de l’eau ou de lutte contre la pollution atmosphérique ne sont pas respectés, ses subventions devraient être réduites de manière beaucoup plus significative qu’actuellement.